lundi 2 février 2009

Réaction au texte d'André Chevrel

SOMMES-NOUS À L’ÉCOUTE DE NOTRE LANGUE?

De plus en plus, que ce soit en lexicologie ou encore en terminologie, le mot d’ordre semble être « soyons à l’écoute de la langue vivante ». Or, cette devise nous amène à tenir compte, dans les ouvrages portant « sur la langue », des variations linguistiques de tout ordre, que ce soit phonétique ou lexicologique. On dit souvent que « l’usage fait la norme », ce qui signifie que le locuteur adapte la langue à l’utilisation qu’il désire en faire et qu’au bout du compte, c’est également lui qui définit les notions d’acceptabilité. Cela nous amène donc à nous demander si l’ampleur des difficultés fréquemment rencontrées dans l’utilisation de l’orthographe ne serait pas une manifestation de la part des usagers de l’inadéquation de l’orthographe français. Nous nous retrouvons alors face à une dégringolade accélérée dans la qualité de la langue écrite, que certains auront tendance à attribuer à un enseignement de piètre qualité. Cependant, nous ne croyons pas qu’au point où nous en sommes, une seule réforme éducative puisse suffire à rectifier la situation.

Dans une précédente lecture, M. André Chevrel proposait une simplification de l’orthographe visant à annihiler bon nombre d’ambiguïtés à l’intérieur de la langue écrite. Fortement critiquée, la simplification orthographique proposée par M. Chevrel s’est vue accusée d’avoir pour but d’appauvrir la langue écrite en voulant reléguer cette dernière au rang de simple « transcription phonétique ». Cependant, lorsque l’on s’attarde un tant soit peu à l’histoire des langues, on comprend vite que le code écrit est, à la base, une transcription graphique du code oral. Les hommes ont écrit en transférant sur support matériel, le plus fidèlement possible, ce qu’ils entendaient, dans le cas des écritures alphabétiques. Ce n’est que par la suite que l’écriture s’est complexifiée en intégrant des informations supplémentaires comme des notions étymologiques ou encore grammaticales. Vous en conviendrez, plus on simplifie un système, plus on restreint le nombre potentiel d’erreurs. Or, comme le but premier de l’écriture est la communication, visant avant tout l’intercompréhension, n’est-il pas logique de vouloir transformer le système afin qu’il puisse devenir plus instinctif, et par le fait même, plus accessible? Les locuteurs français, comme le prouve un nombre considérable d’études, ont de plus en plus de difficultés à maîtriser l’art de l’écriture et effectuent une quantité phénoménale d’erreurs d’orthographe, conférant ainsi au code écrit un caractère presque anarchique. Il est alors sage de se demander si en continuant ainsi à vouloir conserver un code écrit complexe et transportant beaucoup trop d’informations, du moins plus qu’il en est nécessaire, nous ne serions pas en train de tuer à petit feu le bien commun que représente l’écriture du français. Si nous désirons sauver notre tradition écrite, nous avons peut-être avantage à modifier cette dernière, en partant d’une base déjà existante, afin de pouvoir demeurer au diapason des temps qui changent. En fait, en nous entêtant à vouloir conserver jalousement le code écrit tel qu’il s’est figé dans l’usage depuis quelques siècle, nous ne faisons qu’ignorer les changements sociaux survenus au cours de ces mêmes siècles. Les modes de vie et de communication se sont radicalement transformés, alors ignorer ces changements et notre besoin de nous y adapter revient selon nous à une attitude « d’autruche » menant immanquablement à la mort de la langue française. Que ce soit dans n’importe quelle sphère de l’histoire, ce et ceux qui n’ont pas su s’adapter adéquatement à leur milieu mouvant ont disparu. Évoquer les dinosaures ou le latin devrait nous mettre la puce à l’oreille et éveiller en nous un désir de changement, un instinct de survie. Or, c’est dans cette optique que nous appuyons la proposition de M. Chevrel, qui propose une orthographe adaptée aux temps nouveaux et fondée en premier lieu sur l’aspect oral de la langue, base solide et maîtrisée par l’ensemble de la communauté linguistique. Il ne faut pas oublier que l’oral représente l’aspect principal de la langue. Il prime sur l’écrit, que ce soit chronologiquement ou du point de vue de la fréquence d’utilisation. Rapprocher le code écrit de cette tradition millénaire qu’est la tradition orale est peut-être le dernier « plan de sauvetage » possible en ce qui concerne la langue française. En continuant à représenter un tel défi du point de vue orthographique, notre langue s’éteindra d’elle-même au profit de langues plus simples, peut-être comme l’anglais qui nous menace déjà depuis bien longtemps. En plus d’être fonctionnellement plus pratique, l’orthographe simplifiée telle que la propose M. Chevrel amènerait avec elle non seulement une certaine démocratisation dans l’usage de la langue, mais une démocratisation certaine. En ces temps difficiles, les usagers de notre langue et notre langue elle-même nous lancent un cri de détresse, un appel à l’aide. Il serait donc de notre devoir d’écouter cette manifestation d’un problème, afin d’au moins mettre en branle des solutions visant à palier cette difficulté.

En résumé, nous nous devrions, devant un nombre aussi considérable de réalisations orthographiques déficientes, fruits de productions des locuteurs du français, d’être plus sensibles aux besoins criants des usagers. Nous nous devrions de cesser d’être aussi réfractaires au changement et aborder celui-ci comme un acte d’intelligence et d’ingéniosité et non d’abrutissement. Simplifier l’orthographe ne signifie pas simplifier la qualité des idées que nous exprimons, mais bien assurer une meilleure intercompréhension de ces dernières. Simplifier l’orthographe est en fait rendre accessible à tous la possibilité et la liberté d’expression. Bien évidemment, une réforme orthographique aussi radicale représente un risque considérable et un défi de taille, mais posons-nous la question à savoir si ça en vaut le coup. Nous sommes bien loin de faire preuve de raison et d’astuce en nous entêtant à nous restreindre à un système communication qui visiblement ne nous convient pas. La possibilité d’adapter à nous le système de communication au lieu de nous éreinter à nous adapter à ce système désuet repose juste devant nous. Il ne revient alors qu’à nous, usagers, de décider, en unissant nos voix, de faire ce pas en avant. Par les temps qui courent, nous nous devons de regarder vers l’avant, de penser à l’avenir de notre culture en cessant de nous comparer avec des idéaux passés. Bien évidemment, ces idées reflètent une opinion personnelle, mais nous croyons qu’elle en vaut bien d’autres et qu’elle mérite d’être entendue. Selon nous, le temps est venu d’élargir nos horizons et de faire tomber ce qui ne tient que par convention et tradition. Innovons! Qui sait, peut-être serons-nous ceux qui auront été précurseurs d’une écriture parfaite.



CHEVREL, André. (Page consultée le 3 janvier 2009) Il faut absolument simplifier l’orthographe, [En ligne]. Adresse URL: http://www.lematin.ch/tendances/societe/andre-chevrel-absolument-simplifier-lorthographe-64674

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